Crédits Photos : ©Jose Manuel Ballester
Danseuse professionnelle pour la compagnie nationale de danse d’Espagne.
1/ A ton avis quelle place joue le mental dans la performance ?
Je pense qu’il joue un rôle très très important. Beaucoup de personnes sont très bien en répétitions et une fois sur scène se bloquent, stressent, sont sous pression et c’est là que l’on voit le mental des gens, comment la personne réagit face à la pression. Dans mon cas personnel sous pression je suis plus exigeante avec moi-même ce qui me permet de délivrer une bonne performance. Je me souviens d’un rôle de soliste difficile pour une danseuse classique et j’étais bloqué sur un pas, avec un travail de visualisation important j’ai réussi à intégrer ce pas, j’ai préparé mon cerveau pour ne pas être surprise.
C’est important de travailler le mental comme le corps.
2/ As-tu travaillé avec un préparateur mental au cours de ta carrière ?
Pas aujourd’hui, mais j’ai déjà eu l’occasion, j’ai également beaucoup lu sur le sujet (vivre dans le moment présent, la visualisation créative) cela m’a beaucoup aidé côté personnel et professionnel. A partir des lectures je mettais en place des exercices à réaliser.
3/ En quoi consiste la préparation mentale chez une ballerine et comment la travailles-tu au quotidien ?
La danse est un milieu difficile où l’on juge beaucoup sur le corps, il y a beaucoup d’attaques personnelles, on se regarde dans le miroir tous les jours pour se rapprocher de la perfection que l’on n’atteint jamais, on corrige tous les jours, on travaille beaucoup et quelquefois on n’est pas choisi. On se bat tous les jours avec son cerveau, avec les pensées négatives il faut garder les choses positives pour avancer, ne pas oublier pourquoi on fait ça, garder une atmosphère positive dans le cerveau pour continuer d’avancer et essayer de partager cette atmosphère avec les autres.
Parfois c’est difficile sur le moment de passer du négatif au positif mais le soir je prends le temps d’écrire ce qui a été bon dans la journée. Et comment faire mieux ce qui a été moins bien.
4/ Qu’est-ce que cela t’a apporté dans ta pratique de la danse professionnelle ?
J’ai eu un petit blocage que je ne comprenais pas. J’ai toujours fait de la danse parce que j’aimais beaucoup la danse, quand la danse a commencé à me faire souffrir je me suis beaucoup posé de questions. Avec mon préparateur mental nous avons travaillé sur le pourquoi je faisais de la danse et sur ce que cela m’apportait dans ma vie, si je serai heureuse si je ne faisais pas ça. Je fais de la danse pour moi parce que j’aime ça.
Déterminer mes objectifs clairement m’a permis de passer un cap
5/ A quel moment de la carrière d’une ballerine professionnelle est-il plus important de travailler le mental ?
Je pense que c’est important quand tu es dans un mauvais moment ou quand tu dois préparer un rôle très important. Cela permet d’aider à dépasser un blocage.
7/ Quelles sont les principales difficultés auxquelles doit faire face une ballerine professionnelle ?
Il y a beaucoup d’heures de travail, il faut prendre soin de son corps tout le temps, bien manger, bien dormir. C’est également difficile d’arriver à déconnecter de la danse et pourtant c’est très important de déconnecter pour se régénérer. Et puis on doit aussi partir en tournée et être éloigné de la famille pendant de nombreuses semaines.
8/ Cela t’arrive-t-il de te remettre en question, si oui de quelle manière ?
Ma façon de me remettre en question est passée par l’écriture, écrire ce qui a été bon dans la journée mais aussi ce qui n’a pas été bon et réfléchir à comment faire mieux. Je fais aussi beaucoup de méditation, et d’exercices de respiration.
9/ Quelles sont tes sources de motivation lorsque cela va un peu moins bien ?
Ma famille et les personnes qui m’aiment. L’objectif également, j’aime bien me donner des petits challenges et jusqu’à ce que je valide je ne vais pas lâcher, j’ai raté ce n’est pas grave je continue jusqu’à ce que j’y arrive. Parfois si je suis trop bas j’ai besoin d’aide extérieure.
10/ Quelles sont les qualités d’une ballerine professionnelle ?
La discipline à 100%, être intelligente, savoir utiliser son corps pour exprimer des émotions. La danseuse est à la fois une artiste, une sportive et doit avoir l’oreille musicale. Tu dois également être très forte mentalement car tu reçois beaucoup de refus aux auditions avant d’obtenir un contrat. Il y a aussi la chance, être au bon endroit au bon moment, ne pas prendre les choses personnellement quand on ne te choisit pas, savoir rester humble, être ouvert pour recevoir de nombreuses corrections, respectueuse.
11/ En tant que ballerine tu dois transmettre des émotions, est-ce que tu travailles sur tes émotions avec ton préparateur mental ? De quelle manière ?
Oui, je suis forte techniquement et j’ai dû travailler beaucoup sur les émotions car je ne les exprimais déjà pas dans la vie personnelle, cela m’a permis de beaucoup m’ouvrir et de transmettre dans la danse. Aujourd’hui je suis plus sensible, je ressens plus d’émotions quand j’entends la musique.
12/ De quelle manière te situes-tu dans le groupe ?
J’aime bien le côté groupe parce que c’est plus puissant au niveau énergie quand tout le monde est ensemble pour exprimer quelque chose. J’aime qu’il y ait une bonne ambiance dans le groupe s’il y a un problème entre les personnes j’essaie de faire en sorte qu’il n’y ait pas de problème, j’aime soutenir et aider. Quand l’ambiance est bonne le travail se fait mieux.