Philippe Malige au centre et ses assistants
1/ A ton avis quelle place joue le mental dans la performance ?
Un arbitre à quel niveau que ce soit doit avoir une capacité mentale au-dessus de la moyenne car il est fortement soumis à de la pression.
Pour moi c’est primordial dans l’arbitrage.
2/ As-tu travaillé avec un préparateur mental au cours de ta carrière ?
Non. Ce n’était pas encore entré dans les mœurs dans ma génération. Aujourd’hui certains arbitres sont accompagnés.
3/ En quoi consiste la préparation mentale pour un arbitre et comment la travailles-tu au quotidien ?
Se rappeler ce que l’on a fait de bien et visuaiser.
Cela consiste à préparer une rencontre ou une échéance. Se rappeler ce que l’on a fait de bien, visualiser des situations et s’appuyer sur son vécu pour avoir de la confiance et anticiper ce qui peux arriver dans un match. L’arbitre doit décider à l’instant T en conservant une grande lucidité dans ses prises de décisions et une grande résistance à la pression. Travailler l’anticipation de situations permet de maintenir ce niveau de lucidité.
Comment as-tu vécu la pression ?
La formation de l’arbitre est progressive et de fait nous permet d’être confrontés à une pression croissante. Les débuts se font dans de petits stades jusqu’aux grands stades. Puis il y a la rencontre avec les médias, dirigeants, la progression se fait avec l’expérience. Les plus grosses sources de pression sont le public, les médias, l’environnement (staff/dirigeants) et les joueurs.
N’importe quel arbitre a les qualités techniques pour arbitrer un match de haut niveau ce qui fait la différence c’est de pouvoir reproduire la performance semaine après semaine.
4/ Qu’est-ce que cela t’a apporté dans ta pratique ?
J’ai acquis cette compétence de manière empirique avec l’expérience, peut-être avais-je des prédispositions. J’ai toujours eu les mêmes assistants ce qui m’a facilité la tâche. Nous avions une grande confiance mutuelle nous permettant de gérer les situations et les matchs. Pour être arbitre de haut niveau il y a un besoin de sérénité dans le comportement et dans la vie. Il faut avoir un équilibre qui permet de performer (famille, professionnel et sportif). Pour ma part avec mes assistants nous restions décontractés jusqu’à une vingtaine de minutes du coup d’envoi, ensuite nous rentrions dans notre match et les visages, les regards n’étaient plus les mêmes, marque d’une grande concentration.
5/ A quel moment de la carrière d’un arbitre est-il plus important de travailler le mental ?
S’il doit y en avoir un plus qu’un autre ça serait au début parce que tu as peu d’expérience. Après, je dirai de manière ponctuelle sur des matchs à forts enjeux comme les montées/descentes, les derbys, les qualifications européennes…
6/ Quelles sont les principales difficultés auxquelles doit faire face un arbitre ?
Les principales difficultés sont sportives dans le fait de prendre les bonnes décisions pour le respect de la justice sportive. Il faut être bien placé pour bien voir, gérer la pression (sportive et financière) des joueurs, les médias. Repérer les joueurs qui parlent, simulent. Il y a toute une préparation en amont de la rencontre. Et également la pression individuelle en ce qui concerne la notation des arbitres qui jouent sur les montées et descentes des arbitres.
7/ Cela t’arrive-t-il de te remettre en question, si oui de quelle manière ?
Toujours après un match, il n’y a jamais de match parfait. A mon époque, il y avait toujours un débriefing avec l’observateur après le match. Il y a déjà débriefing à la mi-temps avec les assistants. C’est une remise en question permanente, toutes les semaines.
8/ Quelles sont tes sources de motivation lorsque cela va un peu moins bien ?
Quand on n’a pas fait un bon match quand on a fait une erreur qui est médiatisée cela amène pas mal de nuits blanches. On est là pour rendre la justice sportive et c’est difficile quand on se trompe. Moi je me réfugiais dans l’aspect professionnel et familial pour passer outre et vite passer à autre chose. C’est important d’avoir cet équilibre vie perso, vie pro et arbitrage. Si on ne pense qu’à ça et que l’on a pas de façon de faire le vide on est dans ce milieu-là et on n’en sort pas.
9/ Quelles sont les qualités mentales d’un arbitre ?
Tout d’abord du courage, tu es un Homme seul qui prend des décisions. Ensuite la résistance à la pression, la capacité à gérer des conflits et à reproduire les performances tous les weekends.
En conclusion je dirais que les personnes qui critiquent l’arbitre devraient prendre conscience des difficultés de la fonction et des qualités requises pour pouvoir bien les exercer.